Atelier “Dites-le avec des fleurs”

Dites-le avec des fleurs
J’aime les fleurs sauvages. J’aime observer les champs, l’été. Les contrastes. Le bleu du ciel. Le jaune des blés. Le vert, partout autour, ponctué de touches colorées. Avez-vous déjà regardé de près des pétales de coquelicot ? Je veux dire, de si près que vous pouvez en apercevoir toutes les nuances ? Rouge ponceau, rouge écarlate, vermillon, carmin et même des notes de rouge brique par endroits. Avec leur robe de cardinal, ces fleurs exhalent la spiritualité. En les fixant quelques minutes, si je me concentre, j’ai l’impression de communiquer avec elles. Je leur parle et elles me parlent. Je leur confie mes états d’âme. Et elles font de même. Elles me racontent leurs aventures de fleurs sauvages. Je garde un souvenir particulièrement vivace de cette histoire là : « Je suis au bord de la route. La chaleur est écrasante. Heureusement, une légère brise vient caresser mes pétales par moments. Je pense être de nature discrète. Pour autant, le rouge de mes pétales vibre de toutes ses forces. Ma douceur veloutée attire les vacanciers las qui ont besoin d’une pause. J’aperçois un homme qui descend de sa voiture. Il me regarde de loin. Je le vois s’approcher. A mes côtés, d’autres fleurs sauvages, comme moi. Nous, les vraies. Celles qui naissent et meurent dans la nature. On se moque un peu de nos sœurs domestiquées. Les fleurs coupées n’ont pas d’odeur. Elles n’ont pas notre charme. Elles n’ont pas notre personnalité. L’homme arrive près de moi. Je peux lire beaucoup de joie mêlée d’excitation sur son visage. Il tient quelques unes de mes sœurs sauvages dans sa main. Il a l’air tellement heureux. J’ai peur qu’il m’arrache. Je veux encore profiter du soleil de juillet. Je me sens attrapée, tirée, extirpée. Non, ne m’emporte pas ! Je veux rester là ! L’homme me pose délicatement dans sa main, avec toutes les autres. Du jaune, de l’ocre, du bleu, du violet, du vert. Je sens quelque chose de frais et d’humide à mes pieds. L’homme nous installe sur le siège passager de sa voiture. Il redémarre, un grand sourire aux lèvres. Et moi, je me dis qu’au moins, je vais rendre quelqu’un heureux dans peu de temps. » Parce qu’elles sont parfois blessées, ces fleurs voient la blessure de l’autre. Quand on est à fleur de peau, il suffit de se reconnecter à la nature. Au pouvoir des fleurs. Elles portent en elles bien des remèdes, comme celui de la guérison de l’âme et du cœur.

Annabelle

J’aime les fleurs

Rouge coquelicot, rouge qui protège, rouge force, rouge Toi, rouge passionné.
Leur douceur est beauté.
Elles envoûtent l’espace des souvenirs de mon enfance. Elles caressent mes rêves, m’emmènent en voyage tout autour de la Terre.
Toi, ma chère Rose Rouge, plus particulièrement, tu fais toujours, souvent, ce drôle de voyage avec moi.
La Ville défile, tout autour de toi, autour de nous.
Je te vois sourire. Tu aimes ce que tu vois : les édifices, les places et leurs cafés, les rues pavées dans lesquels déambulent les gens. Tu humes toi aussi les odeurs et les bruits.
Tu sais où je t’emmène.
Depuis la corbeille de mon vélo, tu susurres ta Joie. Tu me sais fleur bleue, tu es fleur rouge. Tu respires et aspires les sensibilités.
Comme tes sœurs fleurs qui portent en elles le même remède, tu es ma partenaire, tu es l’amie cadeau pour dire à ceux que j’aime à quel point…

Myriam

Amitiés

J’aime les fleurs, j’aime les fleurs bleues, bleu ciel, bleu nuit. Ces fleurs sentent les nuages. J’avais offert ces fleurs à une amie, oh non pas par hasard. Je me rappelle, j’étais rouge comme une pivoine, mais très heureuse de pouvoir offrir à mon amie un cadeau qui lui allait si bien. J’aimerais que les fleurs puissent savoir la raison que j’avais de les cueillir, j’aimerais que les fleurs puissent se dire : « Il faisait beau ce jour-là, le jour où j’ai été arraché. Une jeune fille très heureuse de pouvoir offrir un bouquet de fleurs m’a choisi. Puis, après avoir marché longtemps dans ses mains, elle m’a posé dans les mains d’une autre jeune fille aux beaux yeux marrons, elle m’a pris elle aussi heureuse de recevoir un bouquet, puis, m’a posé dans un vase rempli d’eau où j’ai pu les observer rigoler entre elles. Enfin, la jeune fille qui m’avait cueilli est partie et j’ai fini mes jours dans ce vase. Je me souviens surtout d’une chose, la jeune fille aux yeux marrons et moi avions le même nom. On nous appelle Lila.s. ». J’aime ces fleurs car elles portent toutes en elles le même remède : le souvenir.

Lélie

Rayon de lumière
J’aime les fleurs, mais pas toutes, pas les claires, surtout les rouges, les rouges sang, les rouges profonds, intenses, vivants, vivifiants, les cramoisis, les carmins, les cerises, les framboises qui explosent entre les dents, les rubis qui claquent et qui en jettent, les lies de vin qui se boivent jusqu’à la dernière goutte, ceux qui palpitent, dansent, frémissent, remuent, bruissent et qui secouent, les rouges passion qui dégainent plus vite qu’ils ne pensent, les rouges grenade qui déclarent la guerre à qui veut bien la faire. Ces fleurs sentent la vie comme j’aimerais la mener, à toute allure, libre, fière et voyageuse – la paresse, la procrastination, les remises à plus tard, jamais ! Toujours l’effort, la vigueur, l’élan plein d’allant, le présent rempli d’extase.
Au prix du risque, au mépris du repos et du calme.
A fleur de peau, toujours peut-être, mais pour goûter à la fleur de l’âge, avant que les années ne s’envolent, embarquent mes pétales, qu’il ne me reste que mon calice, mon squelette. Comme ces fleurs, je veux chercher, pointer et tirer le bonheur. Le malheur ne les intéresse pas. Dès qu’elles le reniflent, elles rosissent, s’affaissent, boivent la tasse et se noient.
Elles sont aussi fragiles que moi.
Elles aussi, les farouches, les sauvages, les ardentes, ont besoin qu’on leur parle avec douceur et qu’on leur chuchote des mots tendres. Alors, elles se redressent, oublient de se cacher, se montrent, s’épanouissent et se déploient, de toutes les nuances de leur corolle.
C’est à cette condition qu’une fleur laisse humer son parfum.
Le sien.
Rien que le sien.
Elle porte en elle-même son remède, son soleil, sa lumière, la confiance retrouvée.

Sonia

Sa Majesté, le Lys
J’aime les fleurs… J’aime les fleurs dans leur diversité de forme, de couleur, de parfum, de posture. J’aime les fleurs dans leur déclinaison joyeuse : elles flattent nos sens, caressent notre regard, se mirent dans nos pupilles, chatouillent notre odorat, dans un vibrant ballet sans mesure. Les plus discrètes se cachent, par timidité ou caprice, et ne se dévoilent que par leur doux parfum. D’autres, plus voluptueuses ou colériques, ne transigent pas : elles s’imposent ! Opulentes, aux couleurs chatoyantes, au parfum impétueux, l’indifférence leur insupporte et elles inondent sans vergogne l’espace qui leur est imparti. Ainsi en est-il du lys majestueux, à l’imposante collerette, délicatement posée sur une longue tige d’un vert profond, qui a elle seule semble dépositaire de la sagesse des origines. De sa hauteur, le lys appelle au respect et semble enjoindre à quiconque s’en approche de ne pas pousser mémé dans les orties, anticipant ainsi le scandale d’un crime de lèse-majesté. J’aime le lys pour sa déclinaison de blanc pur virginal, de rose pâle comme les joues d’un bébé, de rose barbe-à-papa du temps des fêtes foraines, du rose Barbie des jeux d’enfant, du rose fuchsia de la jupe offerte par ma tante Lucie. Majestueux, presque impertinent, le lys s’impose par son éclat, ses pétales généreux et son parfum capiteux. J’aime le lys pour sa présence silencieuse et sa délicate indifférence lorsqu’il invite à un voyage hors du temps, vers un espace de création, un florilège transcendantal.

Évelyne

Éphémère
Je pensais ne pas aimer particulièrement les fleurs, mais en fait si, j’aime les fleurs rouges. Rouge sang ? Rouge perçant ? Rouge insistant ! Chaud et froid, à la fois ! Intense et rassurant ! Elles m’évoquent et me plongent dans le souvenir d’autres fleurs rouges, l’enfance, l’histoire qui s’écoule, l’agréable fraîcheur d’un refuge lors d’un soleil de plomb. Quand je regarde une fleur rouge je vois en miroir mon propre regard et au risque de paraître aujourd’hui fleur bleue, je me sens soudain à fleur de peau. Tant pis, je prends le risque de rougir comme une pivoine en poussant mémé dans les orties, en voyageant jusqu’au salon de la dite mémé quelques trente années en arrière. Ce n’est plus moi qui raconte, c’est le bouquet, posé sur le buffet, plus précisément au-dessus d’un buffet, dans un tableau : « Je suis là serein depuis longtemps, choisi avec soin par le maître des lieux, je lui ai d’ailleurs survécu. Je n’ai pas eu ma place tout de suite, d’abord protégé précieusement par un drap avant que les travaux ne soient finis. Une fille me regarde, me perce de son regard, elle n’a jamais fait attention à moi, mais aujourd’hui le soleil rend intenable les jeux dans la cour, elle se réfugie auprès de moi, protégée ainsi des rayons du soleil par les persiennes et les murs épais de la maison. La fraîcheur du salon et du marbre du buffet semblent résonner avec la fraîcheur de mes couleurs. Soulagée de la chaleur harassante, elle se laisse aller à des rêveries. Qui est mon peintre ? D’où je viens ? Quelle est l’histoire de cette maison ? Elle réalise, enfin sans doute ce sera plus tard, que je resterai intacte alors que les yeux de mes observateurs se rideront, se faneront. Ironie de la représentation, je représente ce qu’il y a de plus éphémère, de plus passager, de plus succinct et pourtant je vais traverser les temps et les générations ». Les fleurs rouges portent en elles la persistance du souvenir, la continuité de l’éphémère, c’est l’art de la nature et la nature de l’art.

Caroline

J’aime les fleurs orange amers des regrets, les roses bonbons de la douceur, les brunes éclairs violentes, celles toute de volupté rose amour et les rouges comme le sang et la vie. Et puis les roses roses au fond des vieux jardins qui poussent majestueuses sur les murs décrépis. Qui étaient là déjà ? Les maisons à étages, vieilles maisons bourgeoises ? Les murs d’enceintes usés ? Les illustres rosiers ? Quand viennent les enfants imprudents aux épines ou que les logements ouvrent enfin leurs persiennes, embaument alors les roses. Et le pouvoir des fleurs porte alors tout l’amour de la douceur de vivre.

Gilles

Fleur d’hiver. J’écris de toi incapable de retrouver ton nom ce matin. Je ne te connaissais pas avant que tu ne me sois offerte, que tu deviennes mon cadeau. Mon cadeau pour quelqu’un qui n’était plus. Cadeau funèbre, jamais atterrie là où tu étais sensée le faire. Au cimetière, dans un pays étranger. Tu n’as pas fait le voyage. Tu ne m’as pas accompagnée sur l’autoroute ni aux obsèques. Il n’y a pas eu de cimetière pour toi. Tu es restée sagement dans un joli pot, une corbeille tressée, sur une petite table basse dans mon salon. Tu as chassé le téléphone qui y habitait depuis fort longtemps. T’es-tu regardée dans le grand miroir en face ? Et quand je suis rentrée de ce funèbre voyage, à fleur de peau, j’ai essayé de te prêter une âme. Mêmes deux. Je t’ai caressée avec mes mains et mes pensées. J’ai su après que tu étais vénéneuse. Peu importe. Tu ne m’as pas tuée. Ni la douleur. Tu as commencé à dépérir. La pièce ne te convenait pas ? Trop chaud ? Trop d’eau ? Tu as gagné. J’ai demandé l’autorisation de te « libérer ». Je t’ai amenée dans un jardin où tu as repris tes esprits. Je viens te voir de temps à autre. Tes pétales blancs sont devenu carmins. Je me suis interrogée. Est-ce un message ? Ultra terrain ? Ou juste l’acidité du sol ? Tu ne le diras pas, mais tu vis et c’est tout. Et ton nom m’échappe toujours. Portes-tu en toi un remède ? A la perte, au deuil, à ma bouche bée face à l’absence brutale ? Nostalgie caressante, mélancolie envoutante…de temps à autre je te retrouve.

Casta Diva