Atelier « Vivre avec nos morts »

« De quoi que soient faites nos âmes, la sienne et la mienne sont pareilles ».
Aujourd’hui est un jour un peu particulier pour moi car, tu me connais, je n’ai jamais écrit une seule lettre à qui que ce soit, pas même une lettre de résiliation à l’attention d’SFR qui me facture 50 euros pour mon abonnement téléphonique. Personne n’a eu droit à une lettre par mes soins, sauf toi, aujourd’hui, Cassandra, en des circonstances bien particulières.
Je sais que là où tu te trouves, dans le ciel, n’importe où, tu es heureuse.
Tu es heureuse, enfin, et c’est tout à ton honneur.
Je t’imagine sourire, chose que je n’ai plus réussi à te transmettre depuis des mois.
Je t’imagine rire, chose qui m’était impossible à faire durant notre relation.
Tu étais ma confidente, mon amour, celle que j’avais besoin dans ma vie, celle qui me comprenait, me soutenait, m’aidait… Hélas, je ne m’en suis rendu compte bien trop tard, lorsque je t’ai réellement perdu.
Comment faire pour te demander pardon alors que tu n’es aujourd’hui plus de ce monde ?
Je n’ai pas su profiter de toi, de tes idées, de tes qualités ainsi que tes défauts, de l’amour que tu me portais ou encore du nombre incalculable de fois où tu me pardonnais.
Je savais que je ne te rendais heureuse, que tu n’étais guère épanouie, mais contre toute attente, tu restais. Tes textes en étaient la preuve :
Idôlatrer un faux personnage, s’accrocher à un masque. Mais lorsque celui-ci tombe, nous nous retrouvons coincé dans une cage.
La cage.
Horvilleur
Cette fameuse prison qui te pousse à aller de l’avant mais à reculons.
Mitigé entre sentiments et mal-être, que pouvons-nous faire de plus qu’attendre qu’un miracle se produise ?
« Tu mérites mieux que ça » me dit au loin une petite voix dans la cellule.
Écrire est devenue une solution.
Pleurer en est une autre.
Laquelle des deux vous semble la plus judicieuse ?
J’aimerais aujourd’hui, pas seulement te dire que je t’aime, mais te remercier.
Je te remercie pour tout l’amour que tu me donnais sans rien recevoir en retour, pour tous tes mots doux, ta bonté et ta gentillesse.
Merci d’avoir été toi-même, de m’avoir repris plus d’une fois par rapport à mon comportement, mon immaturité et toutes ces choses dont je ne me rendais pas forcément compte.
Je ne sais si je rencontrerai à l’avenir une femme comme toi, mais je te promets une chose : Cassandra, tu resteras toujours et à jamais dans mon cœur.

Cassandra

Alors ça y est! Maintenant tu sais! Tu as tant cherché ce qu’il y pouvait y avoir de l’autre côté. Tu disais sans cesse: Les mauvais jours ont une fin et les bons jours un début. Je sais que de toute cette vie tu ne retiendras que le meilleur. Tu as toujours eu le goût de vivre et d’écraser les difficultés. Tu aimais les petits moments délicieux comme ceux où tu t’enfonçais dans les fauteuils moelleux de la salle de cinéma. En général les gens étaient discrets et essayaient d’étouffer le bruit de leur papier de bonbon, de leur pop-corn, de leurs petites conversations. Tu attendais cet instant magique lorsque la lumière s’éteint et que les annonces sur l’écran commencent à emmener les spectateurs dans d’autres mondes. Tu profitais de la pénombre pour te déchausser et poser tes pieds sur la moquette. L’ambiance y était feutrée comme le décor. Nous y venions environ une fois par mois. Je n’oublie pas non plus Israël où nous nous sommes mariés à notre façon devant la pierre de l’onction. Je vais pleurer bien sûr, tu me connais mais je ne te retiendrai pas. Tu resteras l’homme de ma vie. Je sais que tu es parti mais que tu ne m’as pas fui.

Gilles

Ma chère Isabelle, ma chère et belle élève,
Aujourd’hui, je n’ai plus peur de l’avouer. Je t’ai tenu la main, amoureusement. Je n’aurais peut-être pas dû, et pourtant si, je suis comme ça. Tu m’as inspiré ça. Je suis revenu te revoir, l’air de rien, je t’ai présenté comme « ma grande amie ». Il a arraché la robe, il la jette, il a arraché le petit slip de coton blanc et il la porte ainsi nue jusqu’au lit. Et alors il se tourne de l’autre côté du lit et il pleure. Tu disais toujours qu’il ne faut rien regretter, que chaque choix a été fait parce qu’il le fallait, absolument, à cet instant-là. J’ai essayé de t’apprendre à donner. Si on va sur scène, c’est pour donner. Et tu le fais, je t’ai vue. Et ton sourire est la métaphore de la vie. Une vie que tu as donnée, par deux fois, avec ton amour, ton courage et ta générosité. Tu as élevé tes enfants toute seule, contre vents et marées. Tu leur as dit les mots « je t’aime » plus que de raisonnable, plus que d’imaginable. Tu voulais tout pour eux et parfois tu pleurais, tu pestais de ne pas y arriver. Tu t’es parfois sacrifiée, allant jusqu’à l’épuisement, renonçant à ta petite cabane dans les montagnes pour eux, renonçant à tes autres amours. Mais très égoïstement, je suis heureux que tu n’aies pas renoncé à moi. Merci à toi d’avoir été là. Tu resteras pour nous tous qui t’avons connue, toujours présente. Comme cette présence que je suis aussi pour toi, et que tu sens parfois.
Ton S.

Béatriz Beaucaire

“Jusqu’à la mort mon amour.”
Tu te rappelles cette phrase d’une des chansons qu’on écoutait si souvent? Quand je pense à toi, j’ai un million de souvenirs qui me viennent en tête, tous en même temps. C’est toute une vie qu’on a passé ensemble. Toute une vie d’amitié. C’est les moments de fou-rires, de danse, de chorale, les après-midis quand on était à l’école. Ton caractère à la fois sensible, touché par tant de choses de la vie de tous les jours. Ta susceptibilité aussi qui des fois nous faisaient nous engueuler pour un rien. Mais surtout je pense à la bonne vivante que tu es, notre amour commun pour la bonne bouffe et la cuisine. Les pots de Hägen Dazs qu’on mangeait à la grande cuillère, les restos qu’on se faisaient, les discussions sans fin sur les recettes qu’on avait testées. On a grandi ensemble, on s’est consolées de nos premiers chagrins d’amour. Tu es comme moi, une amoureuse de l’amour. Même après avoir eu le coeur brisé, tu repartais à la conquête d’un nouvel amour. Devant toi, la vie et le désir d’aimer à nouveau. Tu me parlais parfois de ce philosophe grec, Héraclite, qui a écrit sur l’impermanence des choses et le mouvement perpétuel de la vie. Il a dit “On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve”. Tu voulais toujours te repencher sur ce fleuve, s’il est d’accord, pour qu’il te rend le temps perdu. Rien ne t’empêche d’aimer et de donner, et ça c’est ce qu’on partage profondément. La construction de ce que nous sommes toi et moi s’est faite en parallèle, et chez toi il y a un peu de moi. J’ai envie que tu continues à me raconter la dernière chanson qui t’a bouleversée, le dernier bon restaurant que tu as testé, et qu’on puisse toujours se souvenir ensemble des petites filles que nous avons été. Je garde en mémoire ta joie de vivre et ton insatiable envie d’aimer. Je sais que là où tu es, tu es bien entourée, et que tu continues à chercher ce qui te fait rire, et ce qui te fait vibrer.

Lio