Atelier « Blanc »

Cette nuit, le monde est devenu tout blanc. Je tends l’oreille et j’écoute le silence confortable. Ou plutôt, le presque silence. A 7h44, je ne perçois que les bruits sourds émanant de la forêt. A la lisière, un lys a survécu, figé dans la glace. Les arbres nus m’entourent. Ma cabane est toute blanche. La vieille carcasse de ma voiture est toute blanche. Même février est blanc. Je crois. Ma nostalgie est blanche. Mes souvenirs d’enfance aussi sont blancs, comme l’oubli. Ma mort est proche. Elle est venue par cette ligne blanche. Pouvant tout aussi bien signifier se débarrasser du superflu. L’histoire de ma vie cousue de fil blanc prend fin. Elle s’arrêtera sur ce souvenir d’enfance dans le jardin enneigé où s’inscrit mon souffle. Elle est venue napper mon existence d’un drap blanc.

Je suis bien installé sur la petite corniche. La cuisine est encore vide. La mère va bientôt venir ici pour préparer à manger. La marmaille va rentrer de l’école dans peu de temps. J’aime observer cette famille. Je suis dans cette famille depuis sept générations : c’est dire si je les connais bien ! Je ne ressens pas le froid du dehors, mais je le devine. La mère s’affaire dans la cuisine. Je ne le sais pas, mais je suis sûr que ça sent bon. Ca sent toujours bon. Ca y est, les enfants sont là, encore emmitouflés dans leurs manteaux épais. Ils s’installent autour de la grande table en bois. Bien entendu, ils se disputent ; ça ne m’étonne pas ! Tiens, le père autoritaire les rejoint. On sort le drapeau blanc, on laisse s’installer silence et confort. L’hiver est là, mais plus pour longtemps. Février s’échappe.

Annabelle

Blanche comme neige
Blanche comme neige, j’étais souvent associée à l’hiver.
J’avais des sœurs de toutes les couleurs. J’étais prête à crisser sur le tableau noir dans le silence de la classe où les enfants devaient montrer patte blanche. J’étais faite pour m’user jusqu’à devenir minuscule, pour jouer avec les autres, pour danser, pour dessiner des formes géométriques, pour écrire des problèmes d’horaires de train ou des poésies. J’aurais évité de me briser sur le sol ou de fondre dans un encrier. Maintenant je m’ennuie dans ce grenier où ils m’ont rangé. Il paraît que nous avons été remplacées. J’avais de l’importance, je n’étais pas faite pour rester toujours dans cette boîte. Je n’avais pas été préparée à cela.

Gilles

Panthère (des neiges)
Cette nuit, le monde est devenu tout blanc.
0n ne distingue plus la terre du ciel.
Je tends l’oreille et j’écoute la sérénité qui emplit mon ventre. Elle fait un bruit de minuit souple et presque aussi blanc que le monde. Un bruit de douceur qui soigne et fige la douleur. Alors, il n’y a plus qu’à respirer ce blanc, ce blanc si lumineux. Il prend en moi toute la place, pleine avant de tant d’agitation et de noirs sentiments…
Je claque au vent. Je me secoue. Je défais mes plis. Je resplendis dans la lumière toute fraîche. Enfin, je respire après la moiteur du lit, ces jours interminables de sudation absorbée, de cheveux, de cils, de poils tombés, de souffles mêlés, d’odeurs lourdes.
« Plus blanc que blanc » dit la publicité. Cela doit être vrai puisque le blanc de ma peau éclate maintenant au soleil dans la pureté de l’hermine

Marie-Christine

Haikus
Sept heures quarante-quatre
Le commencement et la fin
Février s’échappe
Hiver fin de vie
Centrée, recouverte d’un linge
Silence et confort

Annabelle