SAÏGON

STRASBOURG

SAÏGON

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STRASBOURG

« Qui ne connaît pas de langues étrangères ne connaît rien de la sienne »

Née d’un père indien et d’une mère vietnamienne, j’ai vu le jour à Saïgon. Le mythe familial raconte qu’à l’âge d’un an, je parlais déjà et que ma première phrase fut une question.

« Écrire c’est se mettre en danger »

Mes premiers souvenirs d’écriture remontent à l’école primaire. J’étais en classe de CE2, j’avais huit ans, je mangeais des sandwichs au porc laqué à la récréation, Nicolas était amoureux de moi et ma meilleure amie s’appelait Audrey. Cette année-là, l’enseignante nous a demandé d’écrire un poème pour la fête des pères. Quelques jours plus tard, j’ai lu mon poème à voix haute, devant toute la classe. Je suis restée assise et je me souviens avoir eu peur qu’on me demande ce qu’en avait pensé mon père. Mon père n’a jamais lu ce poème. Ce jour-là, sous le regard approbateur de mon enseignante et les applaudissements de mes camarades, j’ai fait la découverte du feu: les mots, frottés les uns contre les autres, pouvaient produire des étincelles.

« Écrire c’est aussi se taire, hurler sans bruit »

En 2009, j’intègre un service d’investigation éducative. Pendant des années, je retrace le parcours d’hommes et de femmes aux vies cabossées. Des enfances disparues, des camisoles de secrets, des corps maltraités… Des milliers de mots pour tenter de mettre en ordre le chaos de ces existences morcelées.

« L’écriture est le seul espace de liberté absolue »

À la naissance de mes enfants, j’invente des histoires pour eux. Certaines sont contées, d’autres écrites. Au même moment, je découvre les ateliers d’écriture.

« Écrire c’est se jeter dans le vide »

Durant le premier confinement, j’envoie des cartes à mes proches. Ma tante vietnamienne me téléphone pour me remercier. Au bout du fil, elle se réjouit de ma situation « Tu as de la chance de pouvoir travailler à la maison. Et en plus, tu as la sécurité de l’emploi ! » Et là, dans ma langue maternelle, une réponse surgit, « Je vais arrêter Tata ». «Ah bon? Mais pour faire quoi ? » Écrire.

En septembre 2020, je quitte mon poste d’éducatrice au service d’investigation pour me consacrer pleinement à l’écriture. Depuis, j’écris et « je fais écrire ».